Interview de Hubert Cusenier : Le prix de la friche - Un exemple créatif de renouveau des zones industrielles abandonnées

Monsieur Cusenier, pouvez-vous nous expliquer comment le concours du Prix de la Friche du Creusot a vu le jour et quelles ont été les motivations derrière cette initiative de Batifranc?

Il faut tout d’abord repartir du contexte initial :BATIFRANC était, depuis de nombreuses années, propriétaire d’un bâtiment partiellement occupé par des locataires qui ont libéré le site.
Les particularités d’un abattoir, les nouvelles normes environnementales ainsi que sa localisation rendaient extrêmement difficiles la commercialisation mais aussi la communication autour de cette friche.
Dans un contexte ultra réglementé et contraint, j’ai trouvé amusant de proposer un « lâcher prise » de projets ! Tout est possible tant que nous restons dans le domaine des idées, du dessin et de la 3D. Il est rare de laisser l’imagination prendre le pas sur le coût.

Quels ont été les critères essentiels pour la sélection des projets lauréats, et comment ces critères reflètent-ils la vision de Batifranc pour la réhabilitation des friches industrielles?

Le critère qui a pris le pas, c’est celui de l’imagination et de la créativité.
Nous avons juste fait attention à la bonne correspondance entre la typologie du prix et le travail effectué. Concernant la réhabilitation des friches, BATIFRANC ne peut pas se prévaloir d’une vision particulière. Notre cœur de métier reste le financement en complément de l’accompagnement en conseil auprès des entreprises. La réalité économique prendra souvent le dessus en imposant la déconstruction du bâti puis la reconstruction d’un nouveau site.

Pourriez-vous nous parler plus en détail des aspects innovants qui ont distingué chacun des projets primés? Pourquoi pensez-vous qu'ils ont ce potentiel inspirant pour d'autres initiatives similaires?

Difficile de résumer le travail de chaque prix en quelques mots…

-Le prix du Virtuel : c’est la folie d’une Arena Drone mais ce n’est pas si loufoque que ça car elles existent déjà dans d’autres parties du monde. L’idée d’une école de pilotes de drones pourrait aussi être associée à ce prix.

-Le prix du Vivant (Save The Planet) : c’est l’humain qui se réapproprie le
bâtiment, il n’a réellement pas besoin de tout transformer, chaque espace
retrouve une fonction simple et utile. Réparer, jouer, se nourrir, profiter
localement des ressources du territoire.

-Le prix Archi et Design : une idée lumineuse qui reprend les indicateurs régionaux d'une industrie un temps florissante, avec la création d'une tour lanterne sur le site des anciens abattoirs du Creusot. Plusieurs usages ont été définis pour le site : halle polyvalente, ateliers ouverts au public, ou encore espace de coworking.

Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les projets de réhabilitation comme la Friche du Creusot lorsqu'il s'agit d'allier patrimoine, écologie et technologie numérique?

Dans l’éventualité d’une réhabilitation de friche, un défi majeur reste l’inconnu lié à l’état des sous-sols, sols et des bâtiments. Dans certains cas, l’opérateur immobilier part avec un handicap dû aux éventuelles pollutions connues mais aussi inconnues avec des surcoûts difficilement chiffrables sans des études préalables complètes.
La reconstruction va ensuite se faire avec des normes réglementaires qui ont pu évoluer au fil des années et qui, pour certaines, sont difficilement compatibles avec les nouveaux usages imaginés pour le lieu concerné.
Concrètement, l’intérêt historique de la construction, le volet architectural mais aussi la mémoire vivante peuvent être des atouts qui permettront de garder « l’âme » du projet à l’étude et ainsi supporter un budget décorrélé d’une finalité purement économique.

Comment Batifranc prévoit-il d'accompagner les lauréats du concours dans la mise en œuvre de leurs projets? Y a-t-il des étapes précises ou des partenariats stratégiques déjà envisagés?

Non, la force du prix de la Friche, c’est la liberté de penser et de créer.
Cette force est aussi sa faiblesse car elle n’intègre pas la faisabilité financière de chaque prix. Les lauréats repartiront plus riches d’une expérience originale et pour certains la possibilité de reproduire sur d’autres friches leur imagination.

Peut-on considérer ce concours comme un modèle à reproduire dans d'autres régions de France? Quels enseignements majeurs tireriez-vous de cette expérience pour inspirer d'autres territoires?

Absolument, ce concours peut servir de modèle pour d'autres régions. L'un des enseignements majeurs est l'importance de libérer la créativité tout en restant ancré dans les réalités locales. Chaque territoire a ses spécificités, et il est essentiel de les comprendre pour adapter le modèle. En encourageant une approche ouverte et collaborative, d'autres régions peuvent également découvrir des solutions innovantes pour la réhabilitation de leurs friches industrielles.

Quels impacts sociaux ou économiques espérez-vous générer à travers cette initiative non seulement pour Le Creusot mais aussi pour les régions similaires qui pourraient adopter ce modèle de réinvention des lieux?

Nous espérons que cette initiative stimulera la revitalisation économique en attirant de nouvelles entreprises et en créant des emplois locaux. Socialement, cela pourrait renforcer le sentiment de communauté et d'appartenance en transformant des espaces abandonnés en lieux de vie et de rencontre. Pour les régions similaires, adopter ce modèle pourrait signifier une renaissance de leurs propres espaces sous-utilisés, générant ainsi une dynamique positive de développement durable et d'innovation.

Pour plus d'informations : https://www.batifranc.fr/

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